Etude pour une corrida n°2, Francis Bacon |
Etude pour une corrida n°2 est une arène
intimiste, une étreinte passionnelle entre l’homme et l’animal, la rencontre
mortelle de ceux qui croient devoir s’affronter puisqu’ils ne peuvent s’accoupler
sans être dénoncés. L’humain ou la bête,
il faut choisir son camp. En attendant, qu’ils nous montrent tous deux combien
leur couple est aussi beau que répugnant. Qu’ils nous fassent frémir, qu’ils
nous rassurent quant au choix radical mais si pur de la verticale, qu’ils nous
bercent de la plate mais si sûre victoire du mâle à deux pattes, de la race
civilisée sur l’instinct grossier. Une mise en scène charnelle, c’est l’obscène
comédie : le théâtre de l’intime exposé, la mise à mort organisée de ce
qu’on ne peut domestiquer. Qu’il semble harmonieux, ce corps à corps, pourtant…
et fascinant, l’effrayant accouplement. De l’énergie, de la fougue, de la peur
et de l’excitation. La foule collée à la vitre ne perd pas une miette de la
monstrueuse confrontation : cautionner l’évidente distribution, ne pas
confondre les rôles surtout, distinguer le bien du mal et le bon du truand… or
trancher dans la danse à présent entamée fera couler le sang, c’est forcé car
une fois les désirs emmêlés, qui pourra croire en l’infaillible
discernement ? Le contact quel qu’il soit fait s’épouser les formes, même
avec fracas. Ainsi le public uni en perd-il de sa tranquillisante distinction.
Qu’on en finisse et tant pis si le vainqueur s’ampute de sa vigueur inculte …
une ennemie de toute façon, sinon pourquoi lui ferait-elle mal ?
Qu’importe le sacrifice pourvu que l’on gagne… Le laurier ne vaut-il pas tout
l’ennui de la rage? Alors tant pis pour la grimace. Le cou brisé comme le
déni empêche de la voir, nous fait croire en la grâce. Et puis la vitre telle
un miroir change chacun en bête de foire. Regarde bien : que devines-tu
dans le reflet gênant du tableau de verre* que tu observes inconsciemment?
Hypocrite spectateur, mon semblable…
*
Ce tableau comme nombre d’autres, Francis Bacon l’a
voulu dans un cadre vitré.
Musée des Beaux-arts, Lyon: Etude pour une corrida, n°2, Francis Bacon,
1969, Huile sur toile. H. 198,3 ; L. 147,5cm.
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