Nu aux bas rouges, Picasso |
Nu aux bas rouges est une femme sûre
d’elle, c’est ce qu’elle nous raconte en tout cas. Ce que racontent sa bouche,
son corps, ses formes confiantes et tendues vers celui qui viendra. Qu’il
s’avance, le curieux, qu’il ose, elle l’accueillera comme il se doit. Elle en a vu d’autres avant lui et ça continuera, qu’il ne s’en fasse pas. Qu’elle
n’attende pas trop, surtout. Même si chacun sait pourquoi elle est là, elle a
le teint fier et l’habit de celle qui n’a pas l’habitude qu’on ne la choisisse
pas. Coquette aux lèvres peintes et aux bijoux de joie. A la chevelure teinte
et aux tétons de soie. Ses bas rouges sont un sceptre, la couronne de
l’experte, la promesse de l’emploi. La chair voluptueuse et la gorge offerte à
qui en voudra, elle s’amuse de ce qu’elle pourrait peut-être apprendre à ceux
qui ne savent pas. Une impératrice du plaisir, la maîtresse généreuse, c’est ce
qu’elle nous raconte en tout cas. L’enseignante dont on rêve, celle qui ne
juge pas. Qu’elle nous montre, à nous autres, comment s’occuper de ces choses-là.
Elle mènera la danse, bien sûr : à sa cour, le bal est une distraction de
choix. Elle te vêtira sans peine du costume de la joie. Tu l’aimeras pour celle
qui t’aura distrait de l’hebdomadaire célibat… et tu te seras cru maître quand tu ne fus que
l’écolier qui ne retient pas. La semaine suivante, elle oubliera en mère
bienveillante de te rappeler que tu ne grandis pas. C’est cette délicatesse qui
te fait revenir, pas les caresses, ne crois pas ça. Combien es-tu prêt à payer
encore pour recevoir l’étreinte réparatrice, l’enviable bénédiction des filles
de joie?
Déshabille-toi. Tu es
quelqu’un de bien, elle te le dira. C’est ce que tu te raconteras en tout cas.
Musée des Beaux-arts, Lyon: Nu aux bas rouges, Pablo Picasso, 1901, Huile sur carton marouflé sur bois. H. 67, L.
51,5cm.
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