jeudi 26 septembre 2013

Série Lux, Etre dans les petits papiers de quelqu'un


Etre dans les petits papiers de quelqu'un




N’allez pas croire qu’il soit si confortable d’être dans les petits papiers de quelqu’un. Qui dit petits dit gentils et surtout bien polis. Même si l’on vous cajole, si l’on vous lustre le pelage avec affection, il ne s’agit pas d’avoir des envies propres, de faire le dissident. Car une fois les faveurs acceptées, le donateur devient un maître qu’il ne faudra jamais contrarier. Comment oserez-vous vous en plaindre puisqu’il vous aura aidé? Seriez-vous cet ingrat qui ne fait que prendre mais ne sait pas donner? Vous vous sentirez coupable, alors vous vous courberez, vous rentrerez vos ailes et tairez tous vos souhaits pour que celui qui dit vous aimer n’aille pas cesser de vous tendre du sucre et de jolis colliers. Il vous applaudira tant que vous serez charmé. Ainsi vous contorsionnerez-vous de bon gré pour rentrer dans la boîte à mots doux de celui qui aura su vous dompter sans que vous vous en aperceviez.  Et on décidera pour vous de vos heures de sortie, car la liberté ne s’accomode pas des histoires d’intérêts. Un jour viendra où ne pouvant plus respirer, vous jetterez un cri, ferez trembler votre paquet devenu étriqué. Une seule caresse pourtant sur les poils s’échappant du coffret vous fera oublier le rêve insensé de l’autonomie et de la dignité. N’allez pas vous laisser entortiller dans les rets flatteurs d’un soit-disant bienfaiteur ou vous serez contraint de jouer la peluche apprivoisée. Fuyez tous ceux qui transportent avec eux des boîtes soigneusement enrubannées: ce ne sont pas des chocolats qu’elles contiennent, mais des hommes ensorcelés. N’acceptez qu’on ne vous caresse que debout sur vos deux pieds… et jamais à quattre pattes, c’est bien trop risqué!

mardi 24 septembre 2013

Série Lux, L'écharpe de Marco

L'écharpe de Marco





C’est l’histoire de Marco, un singe polyglotte. Sa renommée était grande car il donnait de nombreuses représentations théâtrales dans les rues de son quartier. Comme Molière avant lui, il sillonnait les routes et offrait ses spectacles aux habitants qui le demandaient. Ainsi dut-il apprendre le porc, le grenouille, le limace et toutes ces langues de banlieues dont les pratiquants étaient particulièrement bons publics. Il ne snoba personne et accepta même de jouer à guichets fermés pour les chenilles. Pour le remercier, elles lui tricotèrent une magnifique écharpe de soie qu’il ne quitta plus tant il en était fier. Les minorités ont bien des talents cachés. 

jeudi 19 septembre 2013

Musées by Lux, La Cathédrale, Nicolas de Staël

La Cathédrale, Nicolas de Staël





La Cathédrale est une masse lumineuse, un repère essentiel, une balise dans la nuit. Un chemin sombre nous y mène, oui…  mais pas d’inquiétude : il se dresse, on dirait, sans embûches ni faux-amis. Aller tout droit vers le centre, ne pas craindre l’ennui : la voie la plus simple s’encombre rarement du feu d’artifice de l’euphorie. Or quelle réjouissance que de rencontrer dans l’obscur silence de la vie d’ici l’imposante auberge, l’école de l’envie! Car n’éveille-t-elle pas l’envie de voir et de comprendre, de répondre à l’énigme du sens, de l’étrange élégance, de l’éclat de minuit ? Qu’on s’écarte de la route la plus courte et on sera aussitôt ébloui… par la blancheur insistante, par l’assurance généreuse de la demeure qui luit pour tous les visiteurs, même pour celui qui se méfie.  Un bloc solide, une maison ordonnée. Le père et la mère, celle qui rassure et celui sur qui s’appuyer. Un labyrinthe aussi, ne serait-ce pas risqué de s’y aventurer ? Des reflets dorés percent la pierre lunaire, révélant la couleur du mystère, dissipant le doute austère. Seul un immense trésor peut briller de la sorte, le curieux ne l’envisage pas autrement. Alors il ouvre la porte… Béni soit l’impudeur, béni soit la soif d’émerveillement. 

Musée des Beaux-arts, Lyon: La Cathédrale, Nicolas de Staël, 1955, Huile sur toile. H. 195 ; L. 130cm. 

mardi 17 septembre 2013

ActuLux, Eradiquons les pigeons!

Eradiquons les pigeons!






     Paris n’en peut plus : la belle est romantique, mais trop, c’est trop, le pigeon en colonies perd son tendre potentiel de séduction. Les amoureux ne s’entendent plus roucouler dans les parcs envahis par les volatiles affamés. Et les vieilles plus suffisamment nombreuses pour nourrir tous ces tire-au-flanc. Parce qu’on ne peut pas dire qu’ils participent à l’effort économique, ces oisifs-là.  Toujours à réclamer ! Et à polluer ! Si au moins ils allaient au petit coin… La capitale craque et tant pis si elle se fait taxer d’intolérante, de dictatrice, de pigeonphobe car si elle ne réagit pas, elle ne ressemblera bientôt plus qu’à une désespérante vallée de fientes ! Ainsi les autorités se sont-elles décidées à retrousser leurs manches et voilà déjà plusieurs arrondissements de la ville équipés de pigeonniers régulateurs. L’idée est de maîtriser la population salissante et bruyante, il faut dire ce qui est, en la concentrant autour d’habitations qui leur sont gracieusement offertes par la cité. Celle-ci pourra de la sorte plus facilement réguler les naissances et traiter les questions d’hygiène inhérentes à cette population d’assistés. Un genre de ghetto pour une race à plumes de plus en plus dérangeante, donc. Gare aux mamies qui s’aviseraient encore à les entretenir : s’il est interdit depuis 1985 (article 120 du règlement sanitaire départemental) de gaver ces bestiaux sur la voie publique (ce délit serait en effet passible d’une amende de 450€ !), la police jusqu’à présent plutôt laxiste à ce sujet risque de s’engager plus fermement dans la chasse à l’excès de bonté. Avis aux amis du genre ailé : choisissez vite de nouveaux protégés pour exercer votre propension naturelle à la charité. La libellule et la limace présentent moins de dangers… ou pourquoi pas l’humain vacciné ?

jeudi 12 septembre 2013

Approved by Lux, La Danza de la realidad, Jodorowsky


La Danza de la realidad, Alejandro Jodorowski







On ne peut regarder ce film sans pardonner ensuite à ses parents. Quel bel hommage en effet du réalisateur et acteur* chilien à ses parents à travers cette quête difficile du père qui devra traverser l’enfer pour se débarrasser de ce qu’il n’est pas et d’odieux devenir celui qu’on n’attendait pas. Pas de tours de magie, pourtant, enfin presque pas. Il est vrai que la mère a un don surprenant : elle sait que tout est possible pour celui qui le croit. Elle a quelque chose du maître qui ne souffre pas ou très peu car sa confiance demeure inébranlable. Tout au long du film d’ailleurs, elle chante ses répliques (ce qui, dans un 1er temps, surprend!), sans doute parce que sa voix ne cesse d’être celle du cœur. Ainsi cette femme étrange qui nous agace finit-elle inévitablement par nous toucher.
Ce film, c’est l’histoire d’un enfant qui souffre de n’être pas celui qu’on veut qu’il soit : d’abord la réincarnation de son grand-père maternel, puis un homme fort bien avant l’heure, si vraiment heure il y a pour cela. C’est l’histoire de l’homme qui apprend à aimer son humanité, de celui qui guérit son cœur par la foi. La foi en dieu, c’est comme ça que la mère l’appelle, derrière ce mot cependant se cache une vision libérée de tout dogme religieux. Elle croit en la magie et en la puissance de la vie, en le visible comme en l’invisible. Si la réalité des personnages s’avère très dure, l’attitude de la mère révèle qu’elle peut être appréhendée à titre personnel en faisant le choix de la vérité du cœur. Elle seule a le pouvoir de changer la réalité. Pas de scènes mièvres pour autant, loin de là : de la misère, de la torture, du sexe et la mort, ce à quoi Jodorowski nous avait habitués. Non par goût de la violence, on l’aura compris, mais parce que ce sont ces ingrédients-là qui ont bercé les années chiliennes de son enfance. Car ce film est aussi l’histoire d’un peuple contraint à la misère par le tyran. On dit le parce qu’il semble commode de désigner un coupable… mais s’il était le seul, pourquoi l’Histoire se répèterait-elle ? Bien sûr qu’il y en a un autre : le père avec son fils, oui… et avec lui-même. Et nous? Difficile après cela d’hurler tout à fait haineusement A mort le tyran, non ? Pénibles, ces films qui nous incitent à nous remettre en question, vous avez raison… mais tellement bons!
Une film magnifique qui ne laisse pas indemne, donc. Et puis une fois qu’on a pardonné à ce père-là, on n’a plus d’autre choix que de pardonner une deuxième fois… Ohlàlà…

*Même s’il précise que l’acteur, il le fait seulement !

jeudi 5 septembre 2013

Série Lux, Avoir les dents qui rayent le parquet


Avoir les dents qui rayent le parquet... Avoir les dents longues





Méfiez-vous de ceux dont les dents rayent le parquet… Ils ont les dents si longues qu’elles tracent souvent par mégarde deux belles tranchées dans le bois tendre des salons insouciants et friqués. Des vampires, en quelque sorte, assoiffés de victoire et de célébrité. Des monstres aux dents gourmandes et à l’ambition acérée, des gueules opportunistes au sourire démesuré. Tous les moyens sont bons, n’allez pas les sous-estimer. Otez-vous de leur chemin ou vous le regretterez: un coup de mâchoire suffira à vous briser… à moins que vous puissiez être utile, ainsi vous leur servirez jusqu’à ce que vous n’ayez plus rien à leur céder. Alors vous giserez vidé sur le parquet lacéré de votre confiance que vous peinerez à récupérer. Réjouissez-vous pourtant, maintenant que vous savez: observez toutes les dents qui veulent vous approcher, étonnez-vous de celles qui cherchent à se cacher et détalez sans tarder si elles vous paraissent étrangement disproportionnées!