Lartigue |
Jacques Henri Lartigue est exposé aux rencontres photographiques d'Arles, du 1er juillet au 22 septembre 2013.
Souvenir pieu, I |
Confessions de la peur... du noir |
Journal d'un recommencement
Chaque
dimanche ou presque, elle se rend à la messe sans trop savoir pourquoi. Dans son église et dans celle des autres.
Elle voudrait comprendre ce qui la pousse à rentrer dans cet étrange théâtre
qui ne cesse de se vider, à s’installer parmi le peuple des chevrotantes, à s’ennuyer. Que fait-elle là? c’est ce
que se demande le lecteur, tant elle semble une étrangère qui, à l’instar du
héros de Camus, appréhende le monde chrétien de l’extérieur avec une
insaisissable mais néanmoins touchante indifférence que mime un style saccadé à
la fois tendre et incisif. Qui est-elle, d’ailleurs? Une jeune femme lyonnaise
qui après 15 ans d’athéisme, puisque c’est comme ça qu’on nomme le
désintéressement religieux, retourne à la messe. Ceci lui semble absurde, ou bien une
régression, ou bien le fruit d’un déterminisme culturel et social. Voilà
pourquoi participer à la vie paroissiale de Saint Théophile ne l’empêche pas de
parler de Jésus Christ comme de celui qui
dit je suis. Ainsi la gentille irrévérence côtoie-t-elle le sarcasme au
même titre que la bienveillance sans jamais prendre partie pour ou contre le
christianisme, car il n’est pas question d’idéologie, ni même de foi, mais de
ce qui fait qu’on est étrangement bien à un endroit. Et cet endroit, il se
trouve que c’est l’église.
A
travers la quête personnelle de la narratrice cherchant à définir au cours des
offices d’une année ce moi qui va à la
messe, se dresse le tableau d’une institution tombant en désuétude, ce dont
s’inquiète particulièrement Pascal, l’homme
à tout faire ou le prêtre, si vous voulez, de Saint Théophile. Quoi de plus
effrayant que la perspective pour son église de finir récupérée par l’art, comme celle de Bon Pasteur?
De
la joie, du doute, des potins et des kirs, de la comédie… mais pas d’enthousiasme
pour cette foi qui elle-même s’observe comme une énigme. Sans jamais verser
dans le prosélytisme, ce que son regard démythificateur ne permet pas, Sophie
Divry réussit le tour de force en une petite centaine de pages de nous donner
envie d’aller nous installer sur les bancs d’une église... juste pour voir quid de cet ensorcellement froid qu’elle peint si bien. Vous voilà prévenus!
Extrait: Ce qu’elle peut en dire, c’est le moi qui va à la messe, le moi qui ne
se rend pas en confession, le moi qui ne sait pas prier et le moi qui y
parvient; c’est le moi qui soliloque et celui qui décante; c’est la femme qui
s’arrête une fois par semaine pour une heure de rite, celle qui a été
accueillie par un groupe et qui refuse d’y être avalée; ce qu’elle peut en
dire, c’est le moi hérétique et le moi religieux.
Après
le succès de son roman La cote 400
qui a déjà été traduit en 5 langues, l’auteure lyonnaise Sophie Divry signe ici
son deuxième livre, une réjouissante curiosité qui se situe à la croisée du
journal, du roman et de la pièce de théâtre.
Journal d’un recommencement, Sophie Divry, Les éditions
Noir sur Blanc, avril 2013,
88 p, 10€
|